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Vous connaissez Philip K. Dick sans l'avoir jamais lu

Parmi les grands écrivain du 20ème siècle, Philip K. Dick a sa place sans aucune contestation. Chantre d'une science-fiction complexe et mature, il a produit une œuvre tentaculaire qui a inspiré de nombreux films que vous avez probablement vu.

Hollywood adore adapter un roman en film. C'est une excellente base pour un scénario et un outil marketing puissant. Toutefois, ce passage de la page à l'écran n'est pas obligatoirement réussi. Quand les producteurs américains piochent dans la bibliographie de Philip K. Dick, ils nous offrent parfois des films douteux : Paycheck, Next, Screamers ou Impostor. Loin de rendre hommage au talent de l'écrivain, ces long métrages ne doivent pas éclipser d'autres œuvres qui ont marqué à leur manière la science-fiction au cinéma dans les dernières décennies.

En 2015, la somme des recettes mondiales accumulées par les films adaptant une histoire de Philip K. Dick est de plus de 1 milliards 600 millions de dollars pour 12 films. C'est un sacré marché à lui tout seul. Les titres de ces films sont souvent différents des œuvres originales, mais K. Dick lui-même reconnaissait son incapacité à trouver le bon titre pour ses histoires. Ce sont ses éditeurs qui ont la plupart du temps renommé les manuscrits. L'auteur, mort en 1982, a lui-même travaillé sur des projets d'adaptations de ses histoires. Certaines sont tirées de romans, d'autres de nouvelles.

FORD, SCHWARZY ET CRUISE SONT SUR UN BATEAU

La plus célèbre adaptation d'une œuvre de Philip K. Dick est sans contexte la première : Blade Runner. Sorti en 1982, soit presque quatre mois après la mort de l'écrivain, il va asseoir la popularité d'Harrison Ford (après Star Wars et Indiana Jones) et le talent de Ridley Scott qui avait réalisé juste avant un certain Alien. L'histoire suit l'enquête du détective Deckard qui traque six androïdes meurtriers. Film culte pour de nombreux geeks et fans de science-fiction, il a marqué de par sa patte visuelle qui a été reprise de trop nombreuses fois (si vous voyez dans un film un quartier chinatown futuriste sous la pluie, ça vient de là). Cela est dû au choix du réalisateur de ne pas lire le roman, probablement pour ne pas s'enfermer dans une simple adaptation. Cela lui a réussi car il est parvenu à infuser sa vision tout en reprenant assez fidèlement celle de Dick. Néanmoins, la lecture du roman donne un aperçu plus sombre de ce monde, moins réaliste, moins fluide, plus mécanique. Le film verse plus dans l'action, avec une ville surpeuplée. À l'inverse, le roman s'attache à décrire la folie de la vie quotidienne, avec une ville désertée. Le film minimise la partie exode de l'humanité et la question des animaux de compagnie. Le titre du roman montre bien cet écart : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Il y a des différence notables dans le scénario et la lecture du roman est vraiment utile, ne craignez pas un effet doublon. Dick lui-même comprenait la difficulté d'adapter ses histoires. 30 ans après, une suite est actuellement envisagée avec Ford et Scott.

Dans un genre complètement opposé, Total Recall est sorti en salles en 1990. Arnold Schwarzenegger y campe le rôle principal du film de Paul Verhoeven (RoboCop, Basic Instinct, Starship Troopers, du lourd quoi!). L'équipe créative pioche dans le scénario d'une nouvelle cette fois : Souvenirs à vendre. Le film est bien plus loufoque, mais cela correspond au délire subit par le héros, un thème récurrent dans la bibliographie de Dick. Certaines scènes marquantes (les trois seins par exemple) vont en faire un film culte à une époque où le Terminator était une mégastar hollywoodienne. Toute la partie sur la mémoire est respectée par rapport à la nouvelle. C'est plus du côté des personnages secondaires et des lieux de l'action que les différences apparaissent. Ce type de film grand public, un blockbuster, vulgarise des thèmes plus complexes et fait connaître à un nouveau public cet auteur. Un remake a été produit en 2012. Fait intéressant, ce remake s'inspire énormément de la photographie de Blade Runner. Il se veut plus sérieux, mais il perd en saveur et n'est qu'un énième blockbuster estival.

Sur la troisième marche du podium des films adaptant une œuvre de Philip K. Dick se trouve Minority Report de Steven Spielberg. Encore une fois, c'est un grand réalisateur qui sublime un univers de l'auteur pour produire un nouveau succès et bien sûr un film culte. Dirigeant un Tom Cruise au sommet de son art (cette phrase a elle seule mérite un article), Spielberg reprend un main un projet qui avait débuté comme une suite à Total Recall. Il simplifie le scénario et modifie de nombreux détails mineurs de l'histoire liés à la cohérence des règles inventées par Dick. Le héros rajeunit de 20 ans, certains personnages moins glamours passent à la moulinette hollywoodienne et la morale est plus sévère (on enferme définitivement les pré-criminels). C'est symptomatique d'une des limites des adaptations : ces films sont souvent moins extrémistes que le support original pour attirer (et non plaire) au plus grand nombre.

AMOUR, FOLIE ET TEMPS

Outre ces trois films cultes qui ont cartonné au box office américain et mondial, nous pouvons citer deux autres œuvres qui mérite votre attention. Tout d'abord, le film A Scanner Darkly. Sorti en 2006, il a pour caractéristique de remettre en selle des acteurs à l'époque has-been. Le héros est incarné par Keanu Reeves qui a disparu de la circulation depuis Matrix. Robert Downey Jr n'a pas encore renoué avec le succès grâce à Iron Man. Il est plutôt vu à l'époque comme une épave. Quand à Woody Harrelson, c'est l'histoire typique d'un acteur ultra-talentueux qui a choisit ses rôles selon ses envies au détriment du star-system. Ces artistes sont dirigés par Richard Linklater, le gars qui a réalisé Boyhood (12 ans de tournage pour capter en temps réel l'évolution de ses acteurs). Logiquement, quand on sait cela, on comprend les choix effectués par le réalisateur pour A Scanner Darkly. S'inspirant librement du roman du même nom de Dick, il rend néanmoins hommage à l'artiste d'une belle manière en prenant plusieurs risques, aussi bien en terme de casting que de mise en scène. En effet, le film a été tout d'abord tourné normalement avant d'être modifié en postproduction. Le réalisateur a appliqué un effet animé grâce à la rotoscopie, ce qui permet encore une fois de jouer sur la folie du héros. Cela a ralentit la finalisation de ce long-métrage et augmenté son budget riquiqui (8,7 million). Le film ayant rapporté 7,7 millions dollars dans le monde, il reste une obscure production américaine de l'année 2006. Ce serait passer à côté d'une œuvre fort intéressante.

Dernière œuvre concernée par ce focus, L'Agence sorti en 2011. Porté par le duo Matt Damon et Emily Blunt, ce film adapte la nouvelle Rajustement. Le métier du héros est modifié pour ajouter une moralité assez simpliste. Le film est franchement sympathique mais reste loin de la complexité des autres œuvres. Son ancrage dans la réalité est sûrement à l'origine de cette différence, tout comme l'absence de folie, chose assez rare chez Dick. Côté mise en scène, là aussi le film reste assez sage par rapport à ses aînés. On a presque du mal à croire qu'il s'agit d'une adaptation de K. Dick, surtout qu'elle aborde largement le thème de la religion et moins celui de la science-fiction. 

Vous êtes maintenant familier de l'univers de Philip K. Dick. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ses romans et nouvelles, bien plus complexes et imaginatifs que les films visant le grand public, à l'exception de A Scanner Darkly. Surveillez bien les sorties de la mini-série TV The Man in the High Castle d'Amazon (en 2015) et le film Le Roi des Elfes chez Disney (en 2016), les prochaines adaptations de Philip K. Dick. 

4 commentaires

  1. Pierr7ck
    Le 27 mars 2015 à 21:13

    Pour ma part je suis en train de finir de lire UBIK :)

  2. Farid
    Le 27 mars 2015 à 21:54

    Ubik c'est ZE défi, nombre de scénaristes s'y sont cassés les dents, le jour où quelqu'un produira un scénario qui tient la route et qui est faisable, ça va être la guerre pour l'acheter à Holywood

  3. Pierr7ck
    Le 28 mars 2015 à 17:54

    Ca tombe bien j'ai un pote qui a un plan de vie/carrière où ce genre de défi aurait sa place !

  4. Farid
    Le 29 mars 2015 à 04:24

    Va falloir nous le présenter alors ! Ce genre de gars est forcément un fou, il a sa place chez nous ;)

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