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Fast & Furious : éloge d'un cinéma authentique

Alors que le septième opus de la saga Fast & Furious ravage le box office mondial, nombreux sont ceux qui moquent les spectateurs osant revendiquer leur affection pour cette franchise. C'est l'occasion d'expliquer à ces ignares la vrai utilité du cinéma.

Ignare : « qui est scandaleusement ignorant, sans culture ni instruction ». C'est un mot assez fort, mais il résume bien l'effet que font certains prétendus cinéphiles, intellectuels ou personnes se flattant d'avoir une certaine culture quand ils prononcent le nom "Rapide et Furieux...". Ils pensent alors détenir le savoir absolu en matière d'art sans pour autant connaître réellement le sujet qu'ils abordent. Comment peut-on juger la qualité d'une œuvre sans même l'avoir vue ? On peut bien sûr émettre des doutes, c'est tout naturel. Le visionnage du film permet alors de confirmer ses suspicions ou au contraire de changer d'avis. Naturellement, nous charrions tous de nombreux préjugés sur certains acteurs en se basant sur leurs précédentes réalisations et sur la communication autour du film en question. Cependant, dans le cas de saga Fast & Furious, c'est depuis le premier épisode un excellent exemple qu'en matière de film d'action, il y a très peu d'artistes qui obtiennent le respect qu'ils méritent.

Pour chaque Bruce Lee, vous aurez des dizaines d'acteurs qui vont hérisser les poils de prétendus cinéphiles à chaque apparition. « Tu ne va tout de même pas voir le nouveau film de Vin Diesel ?? Bah si. J'aurais bien aimé qu'il soit sélectionné à Cannes, mais bon, je me contenterais d'une sortie mondiale sur tous les écrans disponibles, à la différence des films que toi tu regarde ». Le toi étant collectif et s'applique à ceux qui vont, ironiquement, regarder des mois après sa sortie le dit-film (Fast & Furious) en téléchargement pirate sur leur pauvre tablette 7 pouces parce qu'ils s'ennuient ce soir-là. Et ils vous feront la remarque suivante le lendemain sans la moindre gêne : « C'est pas ma came, mais j'avoue que ça en foutait plein la gueule ». Voilà, c'est dit : un film d'action, c'est pas fait pour réfléchir mais divertir. Le divertissement est une composante fondamentale d'un média comme le cinéma. C'est même un de ses buts premiers. Tout comme certains films tendant à radicaliser leur couleur intello, d'autres amplifient à l’extrême leur volonté nihiliste d'exploser tous les codes du réalisme pour faire émerger un plaisir simple et jouissif.

PERSONNE NE REGARDE CE SUCCES MONDIAL

Fast & Furious a tout de la saga pour les « beauf », vous savez, ces gens "idiots" qui ne savent pas apprécier un vrai film. Déjà, l'univers tuning/grosses-bagnoles/muscles-et-nana. Quand le premier opus sort en 2001, tous les codes de la série sont bien établis. Vin Diesel est le chef de meute, Paul Walker le flic qui se perd dans ce milieu underground et enfin le spectateur qui est l'otage de scènes survoltées. Il faut se rappeler de l'époque dans laquelle est née cette franchise. La révolution internet chez les particuliers n'avait pas encore débuté. On ne voyait pas tous les jours des vidéos Youtube sur des courses de voitures illégales, des dérapages sur autoroutes et autres conneries à clics. Quand aux bolides, il fallait soit lire la presse spécialisée, soit se rendre aux événements dédiés. Autant dire que le premier film fait figure d'ovni, voir d'objet de fascination. Il accentue cette tendance de l'époque au sortir d'une décennie 90 très sombre, très grunge. On passe aux années 2000 qui seront bling-bling et porno-chic. Tout ce qui est beauf est réinventé pour devenir glamour. On ressort les vielles caisses, on les retapent et on en fait de nouveaux bolides. En pleine mondialisation, le débat entre la vielle américaine solide et le nouveau modèle asiatique en plastique fait rage, aussi bien dans les concessions US que dans Fast & Furious. Ainsi, Vin Diesel garde au chaud sa vielle voiture américaine pour la course finale. Entre temps, il montre ses muscles et tape tout ce qui bouge si on touche à sa sœur. Le flic infiltré tombe amoureux de cette famille et va flinguer sa carrière pour limiter la casse. Voilà, entre deux-trois courses à l'époque encore réalistes, le scénario n'est au final qu'un banal film de gangsters. Une œuvre somme toute honnête qui mérite le coup d'oeil.

C'est avec les épisodes suivants que tout se gâte. Le second atteint des sommets de frime et de mauvais goûts en se délocalisant au sud des USA. Les peintures des voitures sont trop colorées, les personnages ne se prennent pas au sérieux et le film manque de rythme. Attention, certains vont bloquer sur la phrase précédente : se prendre au sérieux ? Oui, en effet, Fast & Furious doit se vivre comme une histoire sérieuse pour profiter pleinement de ses atouts. Que ce soit les blagues, les cascades impossibles ou les twists cousus d'avances, tout n'est qu'un enrobage autour du squelette sérieux du scénario. Le troisième film étant plus un spin-off au Japon qu'autre chose, tel une brebis galeuse, c'est avec le quatrième opus que la franchise prend une autre dimension. Alors que les cinéphiles ont une idée ferme de la saga après un bon premier film et deux suites mauvaises, le grand patron, Vin Diesel, fait son retour pour mettre de l'ordre et changer l'ambition de la franchise. Ce n'est que sa deuxième apparition dans cet univers mais il va de suite rétablir le concept clé du premier film : une histoire sincère de voyous qui offre en périphérie de savoureux moments de détente autour de bagnoles. Celui qu'on n'accuse d'avoir aucune expression faciale revient pour fracasser tous ses adversaires. Entre deux baffes, il lâche un sourire ou une vanne, tente l'impossible avec sa voiture et va même jusqu'à défier les lois de la gravité, sans que cela ne le fasse sourciller. Vin Diesel est la clé de voûte de cette franchise. Ce n'est pas pour rien que ce 4ème opus va directement surpasser le premier en terme d'entrées alors que les 2 et 3 avait failli couler la future vache à lait d'Universal. Les opus suivants vont à chaque fois établir de nouveaux records, et le 7ème épisode s'annonce clairement comme le plus gros succès du lot.

DU VRAI CINEMA POUR UN SCENARIO GENEREUX

Cependant, on le sait bien, la masse de spectateurs est idiote et bouffe tout ce qu'on lui martèle à coup de trailers et autres tromperies marketings. A quoi bon s'evertuer à s'améliorer, il suffit de coller le logo FF sur l'affiche et de changer le numéro. Ce n'est pas ce que vont faire les producteurs. Chaque film va entretenir le succès de la saga en repoussant un peu plus le délire. Il faut toujours faire mieux et viser la scène over-the-top, celle qui fera s'exclamer toute une salle à l'unisson en mode "wooooooow pas possible" ou "oh les cons ils ont osé". Le réalisme n'est pas lié au scénario mais au fait que des artistes prennent des risques pour tourner une scène. Ce n'est pas un avatar numérique qui se bat sur une plateforme au-dessus d'une fausse lave mais de vrais acteurs ou leurs doublures (les stars prennent vraiment des risques) qui vont tenter de réaliser une nouvelle prouesse. Au-delà du raz-de-marée médiatique accompagnant chacun de ces films (sans compter l'incident tragique du dernier épisode), il y a donc un argument purement artistique qui ne souffle aucune contestation : ces œuvres offrent un spectacle unique en son genre. De manière générale, ces blockbusters américains s'apprécient pleinement dans une salle de cinéma, avec un écran géant et un son de dingue. Le voir chez soi avec un fichier de mauvaise qualité et une installation pétée, ça casse tout le plaisir. De plus, entre voir ce type de film prévu pour un visionnage en salles et une captation de deux acteurs se balançant des répliques pendant deux heures comme s'ils étaient au théâtre, mon choix est vite fait. Dire que les "nanars c'est à la maison, les films d'auteurs au ciné" est débile. Le cinéma est d'abord un média visuel. C'est une expérience sensorielle. Nous avons tous des souvenirs de ce type. Personnellement, je serais à vie marqué par la scène d'introduction du film Gladiator sorti en 2000 (j'avais 13 ans) qui n'a rien d'exceptionnelle en terme de narration (une simple bataille entre romains et barbares) mais qui m'a surpris par son réalisme, notamment au niveau des sons. L'enfant que j'étais a pris en pleine tête les bruitages crachés par les énormes baffles de la salle de cinéma. Sans 3D, je pensais pendant quelques secondes être parmi ces soldats. J'étais bluffé, éblouis, transporté. Un film comme Fast & Furious cherche à transcender cette barrière entre le film et le spectateur. 

Le cinéma n'est pas juste un outil pour réaliser des pièces de théâtres aux décors réalistes et aux troupes gonflées de figurants. Non, le cinéma est avant tout une expérience visuelle. C'est la porte vers l’émerveillement qu'ont entrouvert les frères Lumières et Meliès. Un film Fast & Furious combine tous les corps de métiers de cette industrie pour proposer un spectacle total qu'on ne pourrait adapter en pièce de théâtre ou produire pour la télévision. Les acteurs ne sont sûrement pas les meilleurs de leur génération, le scénario est loin d'être compliqué, mais ce n'est pas l'objectif premier. Ce film fait appel à notre cerveau reptilien, celui de nos comportements primitifs. C'est une sorte de vidéo Youtube géante car, à la différence de nombreux films usant des effets numériques visant à recréer la réalité virtuellement, ici, la production a REELLEMENT BALANCE DES BAGNOLES D'UN AVION !!! Le budget est englouti par la masse de voitures réellement explosées, défoncées, maltraitées. Les gars qui se tapent dessus sont vraiment imposants et vont vous faire réfléchir à deux fois si vous les croisez dans la rue. C'est aussi là que la saga s'est réinventée avec la présence de The Rock qui renforce toute l'action en dehors des voitures. On utilise de vrais explosifs, on a des pilotes et des cascadeurs qui risquent leur vie sur le tournage et le tout débouche sur un résultat bluffant car chaque film repousse les limites du précédent. Si le piratage n'a pas encore définitivement tué la fréquentation des salles, c'est que le cinéma propose encore des expériences de ce type qui ne peuvent être complètement reproduite chez soi. Fast & Furious, c'est un spectacle sans prise de tête qui est accessible au plus grand nombre. C'est un fantasme de cinéphile car on ose ici faire des trucs proche de la réalité mais qu'on ne reproduira jamais sans caméra, sous peine que cela tourne au drame. Comme tout fantasme, on le cache, mais comme tout fantasme, on est nombreux à le partager. 

Critiquer Fast & Furious après avoir vu le film est compréhensible car tout le monde n'est pas sensible au charme de la franchise. Ce ne sont pas des chef-d'oeuvres et chaque opus est perfectible. Cependant, nul besoin d'être un adepte de bagnoles, de braquages ou de musculation pour apprécier la folie des scénaristes, qui repoussent à chaque fois la frontière avec la réalité pour se rapprocher encore plus de la course parfaite.

2 commentaires

  1. Pierr7ck
    Le 10 avril 2015 à 20:08

    Même pas un petit mot sur Jordana Brewster O_o ???

  2. Farid
    Le 11 avril 2015 à 15:57

    Team Michelle !

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