Cet automne, le monde des J-RPG attend avec anxiété la sortie de FF15. Cependant, un outsider lui a déjà ravi la vedette : Persona 5. Présentation d'une licence de plus en plus populaire.
Tout commence en 1987 avec la création d’Atlus, une petite société de jeux vidéo basé à Tokyo. Alors qu’elle se questionne sur son premier jeu à paraître sur le marché, deux licences connaissent un succès fulgurant en misant sur un genre peu connu au Japon, à savoir le RPG. Il s’agit de Final fantasy de Squaresoft et de Dragon Quest d'Enix. Mais plutôt que simplement reproduire ce qui fait le succès de ces deux jeux, les gars de chez Altus vont chercher quelque chose de nouveau et de radicalement différent. Et pour sûr, leurs premiers pas dans le jeu vont devenir leur crédo : étrange et original.
Alors que les séries Dragon Quest et Final Fantasy se basaient beaucoup sur Donjons et Dragons et la fantasy européenne, Atlus décide à l’inverse d’être plus japonais et de faire un jeu bien particulier. Pour cela, ils entreprennent d’adapter les romans d’une écrivaine japonaise, Aya Nishitani dont le nom de la saga est Digital Devil Story: Megami Tensei. L’histoire des livres raconte comment un lycéen nommé Nakajima va mettre au point un Programme d'Invocation de Démons afin de se venger d'une humiliation et invoquer un démon du nom de Loki dont il va devenir dépendant. Suite à un rituel, lui et une de ces camarades de classe, Yumiko (qui s’avère aussi être la réincarnation de la déesse japonaise Izanami), vont devoir sauver le monde de la domination de Loki.
Mélange étrange de science-fiction, d’horreur et de fantastique, les livres vont motiver Atlus à produire une suite sous la forme d’un RPG, reprenant le titre de la série et destiné à la NES de Nintendo. Ce premier opus, inspiré par Donjon Master et possédant un univers sombre et horrifique, intriguera pas mal de monde et permettra à Altus de se faire ses premières armes. Digital Devil Story connaîtra une suite qui aura elle aussi son succès, mais c’est en réalité plus tard, sur la génération de consoles suivantes, qu’Altus va devenir le grand rival japonais de la firme aux slimes et aux chocobos.
La réincarnation du succès
En 1992, Atlus décide de passer à la vitesse supérieure. Laissant tomber les livres de Nishitani, le studio crée alors son propre univers, rempli de démons, de dieux, de programmes d'informations et d’ambiance apocalyptique, et renomme la série Shin Megami Tensei (littéralement « la réincarnation de la vraie déesse »). Sortant sur Super Nintendo, le jeu nous fait incarner un jeune garçon participant au Programme d'Invocation de Démons et qui, suite à plusieurs révélations, va devoir arrêter le gourou d’une secte et empêcher la destruction de Tokyo par les États-Unis qui souhaitent contenir la menace.
Toujours avec sa vue à la première personne, le titre s’enrichit d’un scénario plus profond mais très sombre et pessimiste (loin des gentils univers de l’époque) et donne la possibilité aux joueurs de former leurs petits groupes de démons à utiliser pour se battre. Le jeu devient alors un gros succès au Japon. Une suite est vite mise en chantier et la place d’Atlus est maintenant assurée dans l’industrie du jeu vidéo. Au fil des années, la série Shin Megami Tensei continuera, malgré diverses difficultés (notamment les nombreuses faillites de leurs détenteurs, obligeant Altus à se faire racheter deux fois), à satisfaire ses fans de plus en plus nombreux.
Ce y compris en Europe où la série commence à s’exporter vers 2004 avec Shin Megami Tensei Nocturne (car oui, à cause de son contenu assez étrange et peu commun, la série est restée exclusivement au Japon pendant un très long moment). Les sorties sont fréquentes chez nous encore aujourd’hui, malgré la traduction uniquement en anglais, par manque de moyens et de structures implantées en Europe chez Atlus. Mais l’histoire de Shin Megami Tensei prendra des chemins différents et parfois étonnants, que ce soit un MMORPG ou un jeu d’action, et c’est sur un de ces chemins bien particulier qu’on va s’attarder.
Persona : le masque pour prendre un chemin différent
Ce qui va nous intéresser ici, c’est une idée qu’aura Atlus alors que les consoles de 5ème génération pointent le bout de leur nez. Soucieuse de créer tout un tas d’univers et d’ambiances, la société japonais va donc chercher à créer divers spin-off pour sa série (ce qu'il avait en réalité déjà fait, par exemple, avec les jeux The Last Bible, spin-off heroic fantasy et tout public de SMT). Mais la série qui va nous intéresser a une histoire bien précise. En 1994, sort Shin Megami Tensei if..., une pseudo-suite de Shin Megami Tensei 2 qui s’inscrit dans un univers parallèle basé sur les lycéens japonais.
Le jeu plaira tellement que l’idée de créer une sous-série tournant autour du lycée commence à germer dans l’esprit des développeurs. Et c’est ainsi que naît en 1996 la série Persona dont le premier volet choisira la Playstation de Sony pour faire son entrée sur le marché. L’histoire se concentre sur un groupe de lycéens qui se retrouvent confrontés à des incidents surnaturels. Après avoir joué à un jeu de voyance, chaque membre gagne le pouvoir d'invoquer des Personas, sorte de manifestation psychique de son subconscient et de sa personnalité. Usant de ce pouvoir sous la direction de Philemon, un personnage représentant le subconscient de l'humanité, le groupe fait face à de multiples forces menaçant le monde.
Ce premier jeu spin-off gardera néanmoins beaucoup d’éléments de la série phare : le ton est sombre et sérieux, de nombreux thèmes liés à la religion et à la spiritualité sont présents, il est toujours question de négocier et de se constituer une armée de démons (malgré les changements opérés pour en faire des Personas) et le jeu se veut toujours à la première personne, rempli de donjons et d’une difficulté assez ardue. Encore très attaché à ses racines, il faudra attendre la suite pour que Persona prenne plus son indépendance vis-à-vis de sa série principale. Notez également que le jeu a vu le jour aux Etats-Unis sous le nom de Révélation : Persona (cette version fût très critiquée à cause de sa traduction très bancale et de sa censure « raciste » qui voulait masquer tout le côté asiatique du jeu) et que les artistes principaux de la série arriveront pour cet épisode et sont toujours présents aujourd’hui, tel que Shoji Meguro à la musique ou Shigenori Soejima au chara-design.
Persona 2 : l’innocence et la punition…mais aussi la consécration
Alors que la 5ème génération de consoles touche à sa fin, la série Persona continue son bout de chemin avec Persona 2. Toutefois, le 2 dans le titre aura une importance, puisque c’est une double copie de la licence qui arrivera. C’est donc sur la PS One à nouveau que Persona 2 : Eternal Punishment et Persona 2 : Innocent Sin sortent respectivement en 1999 et 2000. L’histoire de Eternal Punishment nous raconte les aventures de Maya Amano, journaliste dans la ville de Sumaru où d'étranges meurtres ont récemment été commis. En compagnie d’un étrange garçon du nom de Tatsuya, elle va tenter de faire la lumière sur cette affaire.
Innocent Sin, quand à lui, s’avère être une préquelle du jeu précédent et raconte comment Maya et Tatsuya se sont rencontrés alors qu’ils tentaient de percer le mystère du Joker, un mystérieux esprit animé d’une rancune envers eux et leurs amis. Si on retrouve toujours une atmosphère sombre dans le titre, Persona essaie cette fois de se forger sa propre identité. Des thèmes plus généraux sont abordés (bien que différent des jeux de l’époque comme l’homosexualité ou les difficultés de l’adolescence) et l’aspect général se distingue avec notamment l’abandon de la vue à la première personne et un système de gestion des relations entre les membres du groupe. Le studio conserve toutefois le système de négociation avec les ennemis et la difficulté retorse de ces aînés. Niveau import, seul Eternal Punishment sortira aux Etats-Unis à l’époque.
Persona 3 : un retour remarqué, teinté de bleu
Dix ans après la sortie du premier jeu Persona, Atlus décide d'émanciper la série jusqu'alors cantonnée à la catégorie de spin-off de Shin Megami Tensei. Pour l’occasion, la société japonaise voit les choses en grand et prépare un 3ème opus bien différent et aux ambitions assez pointues. C’est en 2006 que sort Persona 3. L’histoire nous fait incarner un lycéen transféré dans le lycée Gekkoukan High School situé dans une ville japonaise au bord de la mer. Très vite, il apprend que des créatures nommées Shadows apparaissent dans la ville pendant la Dark Hour, une heure perçue uniquement par certaines personnes à minuit, entre un jour et le suivant, et que son dortoir est peuplé de personnes capables de les voir et de les combattre grâce aux Personas, des créatures nées de leur subconscient. Il va alors rejoindre le SEES, une organisation au sein du lycée qui va tenter de percer les mystères des Shadows.
Si les précédents opus n'étaient que des variantes de la série principale, c’est Persona 3 qui va réellement changer la donne. Ici, on doit gérer sa vie scolaire et globalement tous les aspects d'une vie dans un RPG, si je puis dire, car plus les liens seront forts, plus les Personas le seront. La journée, il faut donc aller en cours, sortir avec les copains, rencontrer des gens via un nouveau système appelé Social link qui permet d’entretenir des liens particuliers avec différentes personnes et qui aura une répercussion directe sur la partie, ou encore améliorer ses compétences dans divers domaines comme l’intelligence ou la force. La nuit, il faudra explorer le Tartarus, un gigantesque donjon de plus de 200 étages et dont il faudra atteindre les différents paliers avant le prochain événement dans le calendrier.
Oui, car dans Persona 3, le temps s’écoule. De jours en jours, de mois en mois, l’intrigue va avancer et ce sera au joueur d’apprendre à gérer correctement son temps pour arriver à ses fins (dans les deux sens du terme). Plein d’autres surprises attendent le joueur également, mais difficile d’en parler sans dévoiler des éléments cruciaux. Le scénario se veut plus développé et un peu moins sombre que les précédents, on y retrouve un peu plus d’humour et plusieurs moments de légèreté malgré les dernières heures très sombres et mélancoliques. Au final, Persona 3 va devenir l’opus qui va propulser la série dans les hautes sphères. Malgré son arrivée tardive sur PS2 et dans les autres pays, le jeu va avoir son petit succès et devenir un nouveau standard dans le monde du J-RPG.
Persona 4 : quand le spin-off vole la vedette
Deux ans presque tout pile (à 3 jours près) après la sortie de Persona 3, Atlus arrive avec la suite directe de son jeu, Persona 4. L’histoire se passe à Inaba, une ville dans la campagne ou le nouveau protagoniste va vivre en compagnie de son oncle et de sa cousine. Alors qu’il débarque dans son lycée, une vague de meurtres va commencer. Celle-ci semble liée à la légende urbaine de la Midnight Channel, une chaîne de télé mystérieuse apparaissant à minuit, les jours de pluie. Sauf qu’il va s’avérer que la légende est vraie et que le héros et ses nouveaux amis vont devoir l’explorer pour retrouver le coupable de la série de meurtres qui sévit.
Si Persona 3 se voulait bien plus léger que ses aînés, Persona 4 laisse presque tomber le côté sombre de la série. Alors bien sûr, on parle toujours des côtés noirs de l’âme humaine et l’histoire tourne sur le fait d’arrêter un serial-killer (ce qui constistue une grande première pour un J-RPG : une enquête qu’on pourrait retrouver dans Détective Conan devient ici le fil rouge du scénario). L’ambiance se veut très décontractée et laisse beaucoup de place à la comédie. Même au niveau de la couleur générale, le jeu se veut moins oppressant : la couleur bleue calme et mystérieuse du 3ème jeu laisse place à un jaune joyeux et dynamique.
Au niveau du gameplay, celui-ci a connu des améliorations diverses : la possibilité de contrôler ses alliés (ceux-ci étaient contrôlés par l’IA dans Persona 3), des donjons plus classiques mais avec un déroulement différent (le but est ici de finir le donjon avant une date limite), des social links plus centrés sur vos alliés et/ou plus complexes (et dont le niveau maximum peut devenir un vrai avantage), des quêtes annexes à faire dans l’école ainsi qu’un système de craft pour les armes. Persona 4 améliore donc encore plus la formule déjà installée dans Persona 3. Le jeu va devenir l’un des derniers grands softs de la PS2, alors que celle-ci compte pourtant déjà une ludothèque très riche.
Du fanservice à revendre
S’il y a bien quelqu’un qui a compris que la série Persona plaît, c’est bien Atlus qui ne s’est pas fait prier pour nous vendre du Persona à toutes les sauces. Si le fanservice lié à la série commence dès le premier opus avec un manga censé être un prologue, il explose littéralement après Persona 4.
Pour commencer, Atlus continuera une de ses habitudes en portant ses jeux sur des machines plus récentes : on aura donc droit à des remakes PSP de Persona, Persona 2 Eternal Punishment ainsi que de Persona 2 Innocent Sin. Les épisodes 3 et 4 auront droit, quant à eux, à des versions bonus rajoutant du contenu en plus. Persona 3 bénéficiera d’une version bonus appelée FES qui rajoutera un tas d’ajustements au niveau du gameplay, mais surtout d’une partie bonus appelée Answer qui rajoute plus de 30h de durée de vie au jeu. On verra sortir plus tard une version portable du titre qui rajoutera des améliorations du système de combat de Persona 4 ainsi que la possibilité d’incarner un personnage féminin. Persona 4, quand à lui, obtiendra une version appelée The Golden sur PSvita qui contiendra plusieurs scènes supplémentaires (notamment un nouveau personnage important dans l’intrigue et un épilogue plus poussé).
En plus de tout cela, on aura droit à Persona 4 Arena, jeu de baston créé par Arc system (les créateurs de Guilty Gear) et sa suite, Persona 4 Arena Ultimax. Un jeu de rythme appelé Persona 4 Dancing All Night est aussi créé par Atlus eux-mêmes et basé sur les musiques de la série. Ces trois jeux spin-off prolongent d’ailleurs l’histoire du 4ème jeu en faisant également un gros clin d’œil aux fans, puisque le casting de Persona 3 s’invite dans l’histoire des deux jeux de baston. Il y a aussi deux séries animées Persona 4 (une première qui adapte le jeu à la lettre et une deuxième parlant des parties bonus rajoutées dans The Golden), une série de 4 films pour Persona 3 ainsi que plusieurs mangas parlant de persona.
Pour terminer, un jeu appelé Shadow of the Labyrinth réunissant le casting des deux derniers jeux et combinant le gameplay de la série Etrian Oddysey (autre série spécialisée dans le Dungeon RPG et appartenant aussi à Atlus) sortira en 2015. Tous ces produits contribueront à imposer Persona comme étant la licence principale sur laquelle Atlus travaille en priorité (bien qu’ils sortent un Shin Megami Tensei 4 en parallèle)
Persona 5 : le vol parfait de la scène du RPG japonais
Mais malgré tout, l’attente des fans est à son comble car une question s'impose : ou est Persona 5 ? Où est la suite tant attendue du RPG qui a fermé la porte de la 6ème génération de consoles ? Et bien, le moins que l’on puisse dire, c’est qu'Altus va prendre son temps. Lors de l’annonce de Dancing All Night et de Shadow of the Labyrinth vers 2013, le 5ème opus est bien confirmé comme étant en développement, mais à part un très vague artwork, rien n’est montré. Atlus continuera son « teasing » en dévoilant lors d’une courte vidéo le nouveau personnage principal de la série, puis en faisant silence radio pendant un très long moment.
Très long car c’est seulement en 2015 (soit 2 ans presque après son annonce) que Persona 5 se montre enfin. Au programme, un changement de direction artistique assez audacieux, Le bleu mystérieux et le jaune joyeux laissent place à un rouge imposant qui nous présente une ambiance bien différente des deux précédents opus. Le héros évolue désormais dans les rues de Tokyo et sera à la tête des Phantoms Thiefs, un groupe de voleurs qui se verra chargé de la tâche de rétablir l’ordre dans la cité. Ambiance groovy, un moteur maison tiré du jeu Catherine (un puzzle game très original sorti sur PS3 et Xbox 360) et ce petit côté étrange mais tellement intéressant qui fait le charme de la série. Le buzz prend et commence à convaincre un public grandissant.
Les annonces se font rares et les reports malheureusement multiples, le jeu est annoncé en 2013, puis en 2014 et finalement en 2015 alors qu’on l’attend à la fin de l’année, puis on annonce un énième report à l'été 2016. Finalement, après un événement intimiste mais incroyablement bien mis en scène, la date de sortie japonaise du 5ème volet est confirmée pour le 15 septembre 2016 (puis le 14 février aux Etats-unis et en Europe). Avec déjà un animé prologue et un manga annoncé, le jeu semble promis à un futur succès, surtout que les fans du monde entier l’attendent avec impatience et que les premiers tests annoncent le meilleur jeu de la licence tout simplement…
Alors que le genre du J-RPG semble s’épuiser au fil des années, c’est finalement le spin-off d’une de ses plus vieilles séries qui semble tenir bon, contre vents et marées. Avec sa direction artistique soignée, ses compositions de qualité et ses idées surprenantes, la série Persona est l’un des derniers vestiges du genre, à la fois créatif et qui ne ressemble à rien d’autre. Avec en prime, une fanbase qui ne fait que s’agrandir à travers le monde, au point de faire de l’ombre aux grandes pompes du genre Final Fantasy. Espérons que la série Persona connaîtra une longue vie et donnera de longues heures de plaisir pour les joueurs.
Khesistos
Le 18 septembre 2016 à 15:19J'ai découvert persona par hasard sur ps vita. Un super jeu et surtout, un des rare à être resté difficile. Et puis, l'intrigue est passionnante, pleine de rebondissements. Vivement que le 5 atteigne les portes de l'Europe.
Farid
Le 19 septembre 2016 à 11:31Après avoir lu cet article il y a une semaine, je me suis téléchargé sur émulateur PS2 pour PC le 4ème épisode (j'ai pas de PSVita...) et j'avoue que c'est diablement prenant. Une fois passé l'intro de 2h, on nous laisse libre et le jeu s'avère assez dur et complexe. Si on passe outre des graphismes viellots et surtout un gameplay un peu ancien, le truc qui gene ce sont les dialogues qu'on aimerait zapper ou accélérer, mais c'est du pinaillage, une fois entré dans l'aventure, on veut allez le plus loin possible. Merci pour cet article !