Quand vous regardez des oeuvres cinématographiques ou télévisuelles, il y a toujours quelque chose qui donne le ton : la B.O.
Quoique nous regardions de nos jours, nos oreilles font face à une bande son qui accompagne les films, les séries, les reportages, les dessins animés. Cet élément est devenu une partie intégrante du projet artistique et je ne pense pas que quiconque envisage de réaliser une oeuvre sans musique.
Vous ne l’aviez pas remarqué ? C’est que c’est devenu tellement habituel pour vous que vous ne vous ne rendez plus du tout compte. Voyons comment tout cela a commencé et ce que que tout cela implique.
L’avènement du cinéma
Lorsqu’en 1895, les frères Lumière ont commencé à passer des films dans des salles obscures, on n’avait pas encore la technologie pour mettre des paroles en même temps. C’était ce que l’on appelle le cinéma muet.
Alors, pour ne pas que les spectateurs s’effraient pendant le temps que duraient les films où ils étaient plongés dans l’obscurité, pour aussi se distraire, parce que regarder quelque chose dans le silence est un peu ennuyeux à force et aussi, semble-t-il, pour couvrir le bruit que faisait le projecteur, on a mis en place des musiciens qui jouaient en live pendant la projection. Ainsi, on pouvait avoir du violon, du piano ou plusieurs instruments qui jouaient en même temps au gré des images qui défilaient sur l’écran. Pour les plus riches, c’étaient carrément des orchestres qui jouaient de la musique.
Ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’étaient alors que des musiques déjà existantes que les musiciens interprétaient et qui avaient été réarrangées pour coller un peu plus aux images. On avait droit donc à de la musique classique ou populaire de l’époque pour agrémenter les films, quels que soient le thèmes.
Les premières véritables bandes originales
Si Saint Saëns a composé une musique originale pour le film L’Assassinat du Duc de Guise en 1908, la véritable “explosion” des oeuvres originales va se produire plutôt dans les années 1920, où des compositeurs de musique classique comme Erik Satie vont se pencher sur le cas de cette musique accompagnatrice d’images.
Mais c’est en 1927, avec l’arrivée du cinéma parlant dans le film Le chanteur de jazz que l’on va voir une vraie bande originale apparaître. En effet, la musique ne sera plus jouée par des musiciens présents dans la salle, mais carrément incrustée dans le film avec les paroles. C’est là que tout commence.
Hollywood s’empare de la mane
Et comme de bien entendu, ce sont les États-Unis qui ont commencé à bien exploiter ce concept et donne la part belle à la musique. Ils utilisent surtout de la musique symphonique, donc plutôt du genre classique, des morceaux très longs. La musique s’impose comme une part importante du spectacle, elle est même presque omniprésente.
N’oublions pas que c’est aussi entre les années 1950 et 1970 que l’on a vu apparaître des films musicaux comme ceux de Fred Astaire, Gene Kelly, Julie Andrews et consorts qui chantaient et dansaient à tout bout de champ. Chantons sous la pluie, Mary Poppins, tous étaient chantants et donnaient une place centrale aux chansons, à la danse et à la musique.
Une musique devenue un outil scénaristique
La Bande Originale est ainsi devenue absolument indissociable de l’outil visuel. En effet, elle peut instaurer une ambiance qui va appuyer le jeu des acteurs et mettre le spectateur dans l’état d’esprit qui lui permettra de s’immerger un maximum dans la scène.
Ainsi, quand on assiste à une scène d’amour, la musique se fait plutôt langoureuse, lyrique ou bien intimiste et nous aide à nous détendre pour profiter un maximum des sentiments que les acteurs veulent nous faire partager. En revanche, dans une scène d’action ou de poursuite, elle se fait plus rythmée, plus haletante et transmet une impression d’urgence. Elle fait monter l’angoisse quand le personnage est en plein désespoir alors qu'il est caché et que son ennemi le recherche, que tout est perdu. Elle contribue grandement à l’intensité dramatique de l’oeuvre. Il faut donc bien choisir son compositeur et l’ambiance souhaitée. Imaginez une musique à la Benny Hill sur une poursuite haletante d’Alien, le ton du film en est carrément changé. Dingue comme une ambiance sonore peut changer une oeuvre et donner l’impression que c’est un chef d’oeuvre ou un nanard…
Prenez la scène des Dents de la mer. Sans sa musique ultra angoissante qui permet de déjà se mettre en condition d’horreur à l’idée que le grand requin mangeur d’hommes apparaît, je ne sais pas s’il aurait eu un tel succès. N’oubliez pas que finalement on ne le voit pas si souvent que ça et que la musique représente le requin lui-même, lui donnant une présence et une épaisseur qui auraient été impossible à rendre avec des bruits de nageoire ou des bruitages. Il y a aussi la fameuse scène de la douche dans Psychose, avec ces sons stridents et agressifs qui simulent la violence de l’agression.
Des techniques d’homogénéisation
Il faut remarquer que la Bande Originale est souvent construite avec un fil conducteur qui est constitué du thème principal aussi appelé “leitmotiv” qui va représenter un personnage, un lieu etc. Afin de ne pas perdre le spectateur dans une multitude de sons différents, un compositeur prend le parti de choisir une mélodie récurrente qui nous permet d’identifier de suite un élément du film.
Cet air est donc repris de différentes façons afin de ne pas perdre l’oreille et de réaliser une continuité dans l’écoute. Tout ceci contribue à une osmose entre le propos et la musique et évite finalement de partir dans des choses trop compliquées qui pourraient embrouiller l’auditeur. On citera par exemple la fameuse musique emblématique de Darth Vador dans Star Wars qui accompagne toujours le sombre personnage, rythmée, martiale et par opposition, le thème de la Force, plus douce et orchestrée, qui représente les Jedis du bien (et en général surtout Luke).
Une évolution de style
Donc, les musiques utilisées autrefois étaient de la musique classique de grands compositeurs comme Beethoven, Mozart etc. Elles étaient belles, certes, mais ne reflétaient pas forcément l’air du temps et finissaient par être un peu trop redondantes, tout comme les oeuvres qui finalement n’étaient pas forcément en rapport avec le thème du film. Ensuite, il y a eu des compositeurs, mais ils étaient également de l’école classique. On avait donc droit à des morceaux avec des instruments symphoniques et donc une touche peut-être moins moderne.
On a donc pioché ici et là au fil des modes dans différents styles de musique comme le jazz, le blues, le rock, le disco etc. afin de se rapprocher des goûts des gens, des styles à la mode, de l’époque et aussi des thèmes abordés.
Car, avec des films où les thèmes devenaient de plus en plus variés, il a bien fallu adapter la musique en conséquence. En effet, une musique n’aura pas le même impact dans un film historique, d’action ou de science-fiction. Dans le dernier cas, on va plutôt donner un ton avant-gardiste avec des sons et des instruments plus modernes avec de la musique électronique comme pour le mythique Tron par exemple où les cuivre, cordes et autres tambours côtoient le synthétiseur.
Un artifice devenu indispensable
Comme je le disais plus haut, c’est devenu un véritable outil scénaristique mais aussi un fond auditif qui nous est indispensable. Je suis persuadée que si vous n’entendiez pas la moindre musique en fond, même la plus anodine pendant que vous regardez un film, vous trouveriez cela étrange et vous sentiriez gêné dans votre visionnage.
En fin de compte, ce manque de musique ne serait-il pas comme une sorte de silence gêné ? un vide impossible à combler et qui nous laisse une impression d’inachevé. Ou bien, cette absence de notes peut également être un choix artistique, destiné à aider à mettre en valeur un instant donné pour intensifier ce que veut exprimer le réalisateur. Car ne pas mettre de musique ne manquera pas d’attirer l’attention du spectateur.
Un outil commercial
Il est devenu courant de voir les Bandes Originales de film être commercialisées pour le plus grand plaisir (ou pas) des fans. Qui n’en a pas acheté une fois ? Titanic, Le seigneur des Anneaux, Merry Christmas Mr Lawrence ou encore Matrix, tous ont des Bandes Originales qui ont marqué leur époque et qui sont restées dans la postérité. Il n’est d’ailleurs pas rare de les entendre utilisées pour des fonds de musique même dans des reportages.
De plus, maintenant, il y a souvent une chanson dite “thème” du film. Certains artistes se sont vus propulsés sur le devant de la scène ou encore confirmés dans leur statut de célébrité grâce au succès du film pour lequel ils ont chanté. Je peux vous citer les Bee Gees avec Stayin’ alive de La fièvre du samedi soir, ou Céline Dion avec My heart will go on pour Titanic par exemple.
Certains artistes vont choisir volontairement de composer les chansons d’un film afin de se faire de la publicité. Notons l’excellent album It’s a kind of magic de Queen qui a réalisé la Bande Originale chantée de Highlander (le reste des musiques étant de Michael Kamen auteur des B.O. de la série L’arme fatale). D’autres s’en mordent les doigts car ils se mettent une étiquette qu’ils n’ont pas désirée comme Muse qui a chanté pour Twilight. Quant à l’étiquette, je vous laisse deviner laquelle.
Un art à part entière
Pour rebondir aussi sur l’aspect commercial des bandes originales, je voudrais aussi souligner que ce ne sont plus au final que de simples musiques d’ambiance et qu’elles finissent par devenir des oeuvres à part entière que les fans ont envie d’écouter seules.
En effet, il y a de plus en plus de concerts construits autour des Bandes Originales de films ou de séries où les fans se bousculent. Je pense notamment à des films comme Star Wars, dont les musiques sont emblématiques et font partie du paysage audio-culturel (néologismes quand vous me tenez). Joe Hisaishi, le compositeur d’une grande partie des films des Studios Ghibli fait aussi régulièrement des concerts avec les morceaux choisis de ses compositions les plus célèbres.
Je pense également à Doctor Who, qui, chaque année, a droit à un grand concert en son honneur avec toutes les musiques les plus emblématiques de toutes ses séries. Le spectacle est incroyable avec les Daleks, les Cybermens ainsi que d’autres méchants mis en scène et les acteurs qui jouent le Docteur et ses “compagnons” en guise de maîtres de cérémonie. Du grand spectacle.
Au final, les Bandes Originales sont devenues un contenu incontournable des productions audiovisuelles. Elles permettent de nous mettre en situation pour profiter un maximum du spectacle que l’on nous offre et nous immerger complètement.