Quand vendre un jeu finit en prostitution de licence…
Final Fantasy XV. Si vous vous intéressez à la culture vidéoludique, ce nom de vous a pas échappé. Le dernier né de la société Square-Enix fait couler beaucoup d’encre depuis sa sortie. Il faut dire, le développement fastidieux de dix années a créé beaucoup d’attente et d’espoir. La délivrance a finalement eu lieu en novembre 2016, entachée par des critiques toujours plus acerbes de la part du public et une presse qui n’ose pas lever le petit doigt face à une licence aussi culte que Final Fantasy.
Mais alors que NieR: Automata, une production Platinum Games mais éditée par Square-Enix, a provoqué un surprenant ras-de-marée de critiques élogieuses et bénéficié d’un accueil à la hauteur de sa qualité, on s’est alors demandé ce qui n’allait pas avec Final Fantasy XV. L’impact du marketing est revenu comme une évidence même. Là où NieR: Automata avait une communication minimale, le quinzième épisode numéroté de la saga Final Fantasy eut droit à une campagne marketing éreintante, lourde d’enjeux et révélatrice de beaucoup de problèmes. C’est ce que nous allons tenter d’analyser.
Un développement chaotique pour une communication… difficile
Dès le début du développement de ce qui s’appelait à l’époque Final Fantasy Versus XIII, la communication, à base de trailers époustouflants, a rapidement fait monter la hype autour du projet. Les mois, puis les années, ont passé et la communication est devenue de plus en plus disparate. Et puis, en 2013, le jeu revient sur le devant de la scène avec une nouvelle équipe et un nouveau trailer qui envoie du pâté. Cette fois-ci, l’info à retenir est que le jeu, d’abord envisagé comme un spin-off de Final Fantasy XIII devient un épisode numéroté principal dans la saga Final Fantasy. Le quinzième pour être précis.
À cette époque, la hype repart de plus belle et les fans retrouvent espoir. Mais rapidement, l’équipe de production du jeu s’est rendu compte que les trailers un peu trop trollesques de ces dernières années ont fait plus de mal que de bien au jeu. Ils prennent alors le chemin inverse à savoir proposer une communication soutenue, étouffante et parfois même étrange loin des démos techniques révélées tous les 3 ans. La magie du jeu vidéo, c’est aussi de découvrir de nouveaux univers sans que la promotion révèle l'intégralité de ceux-ci. L’exemple de NieR:Automata est assez équivoque puisque, à part quelques minces trailers de présentation, le mystère reste entier pour le joueur lorsque ce dernier se plonge dans l’histoire… Mais évidemment, on ne peut en vouloir à Square-Enix, l’objectif étant de se défaire de l’idée d’une arlésienne.
Trop de communication pour des ratés publics
La communication autour de Final Fantasy XV a duré pratiquement 3 ans et demi, de l’E3 2013 à la sortie du jeu en novembre 2016. L’une des grosses annonces de communication est l’Active Time Report une fois par mois orchestré par le réalisateur du jeu, Hajime Tabata. Ce dernier, conscient d’avoir une bombe atomique entre les mains, décide de la jouer franc : les coulisses du développement sont dévoilées au fil des mois. Si, au début, on était aussi intrigué qu’intéressé sur comment un jeu se développe ; très vite la machine à cafouillage s’ébranla. D’une part car l’avancée du jeu semblait de plus en plus douteuse : un seul lieu, la région de Duscae, se montrait en vidéo au fil des mois, alors que la date de sortie reculait. Et puis surtout, les éléments annoncés par l’équipe ont rapidement été transformés en polémiques à force de justifications plus nombreuses qu’incohérentes.
Parce que oui, Hajime Tabata, soucieux de faire un jeu qui plaît au public, n’hésite pas à lui complaire dans ses déclarations, rendant les fans pas plus confiants. Après tout, il est effectivement important que la communauté de joueurs soit écoutée mais en l’état, n’était-ce pas plus judicieux de se concentrer sur le développement du jeu plutôt que de chercher à faire plaisir à un public difficile ? L’un des grands ratés fut la “mise à jour” de la démo du jeu en 2015. Oui la mise à jour d’une démo de jeu, on aura tout vu ! Mais c’est typiquement l’un des éléments qui ont fait que Square-Enix s’est pris les pieds dans le tapis à force de vouloir trop écouter les joueurs, gaspillant un temps précieux pour quelque chose de futile.
Quand trop en voir fait perdre la magie de la découverte
Une petite confidence de rédactrice : j’ai arrêté de regarder les annonces sur Final Fantasy XV au milieu de l’année 2016. La raison : les informations relatives à l’histoire, aux personnages et au background du jeu commençaient à être dévoilées en masse par l’équipe de production. À partir de là, la communication, qui était basée uniquement sur du matériel vidéoludique tel que le système de combat où les environnements, prit une tournure beaucoup plus justificative. En effet, Hajime Tabata, confronté aux critiques des joueurs, a progressivement usé d’explications pour expliquer la moindre annonce, le moindre petit détail. Et autant le dire, ça commençait à faire beaucoup. Vraiment beaucoup.
Où est passée la joie de découvrir une histoire, ses personnages, son univers pour qu’au final chaque chose soit justifiée par des choix spécifiques ? Prenons Final Fantasy VII : c’est comme si Square-Enix avait justifié dès le départ pourquoi Cloud joue les amnésiques pendant une partie du jeu, ou le background de Sephiroth pour expliquer son pétage de plombs. Vous vous dites que c’est impensable vu que ce sont des pièces maîtresses du scénario du jeu. Et pourtant, c’est ce qui s’est passé pour Final Fantasy XV. Le plus problématique, nous allons y venir, tenant à la volonté de l’équipe de construire une oeuvre cross-média. Autant dire que c’était la pire idée de l’univers. Si personne ne crache sur le développement d’un univers par d’autres médias, la construction même de l’univers par ce dernier condamne les joueurs à devoir se farcir de nombreux supports pour comprendre une histoire.
Le cross-média : ce qu’il ne faut pas faire
Le cross-média consiste à développer une histoire et/ou un univers à travers des oeuvres exploitant différents médias. Cela peut être le cinéma, le jeu vidéo, la littérature ou une application smartphone. Dans le cas de Final Fantasy XV, un film d’animation en images de synthèse fut produit comme préquelle à l’histoire, une mini-série animée réalisée par A-1 Pictures développe le background des quatre zozos principaux, un databook (sorte de grosse encyclopédie) a été également produit pour développer l’univers avec des informations capitales glissées entre deux chiffres et enfin un jeu de type RPG est sorti sur smartphone où l’on incarne le père du héros. Plus récemment, un jeu de stratégie en ligne de type Pay to win (jeu gratuit avec transactions financières) est sorti sur smartphone et tablette.
Et évidemment je ne vous ai pas parlé des DLC censés apporter des éléments supplémentaires sur les trois zozos qui accompagnent Noctis, le héros de ce navire qui prend l’eau de partout. DLC évidemment payants que l’on peut acquérir soit individuellement soit via le season pass. Vous vous demandez pourquoi je deviens soudainement plus acerbe et un peu moins capable de vous servir un argumentaire de choix. La dernière nouvelle, la goutte d’huile qui met le feu aux poudres : un cross-over entre l’univers de FFXV et celui d’Assassin’s Creed. La funfact du jour c’est que j’ai cru, pendant 5 minutes, que c’était une boutade sortie de Twitter par des personnes d’humeur à taper sur le jeu pour un rien. Jusqu’à ce que le compte officiel de Square-Enix vienne confirmer la rumeur comme un event in game pour la sortie prochaine d’Assassin’s Creed Origins. Autant dire que les réactions furent virulentes et même un fan-site autour de Final Fantasy a laissé éclater sa colère face à ce grand n’importe quoi.
Quand on ne sait plus quoi faire pour vendre son jeu
À la sortie de la Quinzième PAS DU TOUT Fantasie Finale (parce qu’on s’en doute que l’esprit de la saga est morte) Square-Enix s’était réjoui des ventes extraordinaires du titre. Tout le monde se disait que, enfin, le jeu était sorti, qu’on allait enfin passer à autre chose. GRAVE ERREUR. Probablement, non, certainement, plutôt, dans une optique de renflouer les caisses un peu trop vides, Square-Enix s’est mis à faire n’importe quoi avec sa licence. Et quand je dis n’importe quoi c’est que la pub Internet pour le jeu de stratégie dont je parlais plus haut a fait les choux gras des réseaux sociaux. Une nana dévêtue au possible pour vendre un Pay to Win, c’est le ponpom. Là encore, je supposais, naïvement, que c’était un studio qui profitait de Final Fantasy XV pour produire du contenu sans accords des ayants droits. Evidemment que non, c’est bien un titre officiel...
À côté de ça, l’équipe de NieR:Automata vient d’annoncer que le jeu avait dépassé les 2 millions de ventes. Tout seul. Avec zéro budget. Rappelons-le, Square-Enix avait annoncé à la sortie du jeu qu’il n’y aurait ni DLC, ni produits dérivés. Rien, nada. La donne a heureusement changé entre temps et désormais l’éditeur se penche sur l’idée de développer de nouvelles choses autour de cette saga et les premières figurines sont prévues pour la fin de l’année.
Si cette nouvelle est réjouissante, Square-Enix fait pourtant de Final Fantasy XV une prostitution de licence en s'engouffrant dans la moindre brèche pour continuer à faire vivre son jeu là où d’autres soignent leur communication. La dernière nouvelle du TGS 2017 annonce de nouvelles scènes et de nouveaux développements du scénario pour 2018. Comme si le jeu, un an après, n’avait toujours pas fini d’être crée. On croirait presque rêver.
Que dire de Final Fantasy XV à part que la licence ressemble aujourd’hui à un gâchis monstre. On aimerait pourtant toujours y croire, le jeu n’ayant pas que de mauvais côtés.